Guerre 39-40 et captivité

Mobilisé en 1939 dans le corps des Chasseurs à pied (19e Bataillon de Chasseurs à Pied, secteur postal 19 puis, à compter du 20/04/1940, secteur postal 12.257), Il est d'abord affecté sur la ligne Maginot puis près de Bouzonville en Lorraine et nommé dessinateur du bataillon. Il part ensuite en Bretagne et embarque à bord du "Compiègne" en direction de la Norvège. L'opération étant stoppée au large des côtes écossaises, il revient en France et essuie le feu début juin 1940 dans la Somme.

Roger Aliquot vers 1940
Roger Aliquot vers 1940

Lettre du mercredi 6 juin 1940 à Mlle Irma Maës -
sa marraine de guerre et future femme

Le 12 juin 1940

Ma très chère Irma,

Bonjour, Comment allez-vous ? Je n'ai rien de vos nouvelles et cela ne m'étonne pas. Je reviens de très loin. Remerciez bien Dieu pour moi et peut-être c'est grâce à vos prières. En deux mots, je m'explique : nous montons en ligne le 5, dans le plus mauvais endroit. Nous pressentons quelque chose. Les Boches sont en pleine attaque et nous allons amortir le choc. Nous prenons position, les avions font du rase-motte et mitraillent. De ce petit bois, je vous ai écrit, avez-vous reçu cette missive. Le premier jour, cela va. Le deuxième, cela commence à barder. Le troisième, c'est une pluie d'obus pendant neuf heures sans arrêt. Quelle journée d'enfer et de massacre. Je m'étais fait avec un copain un trou individuel (sorte de tranchée primaire) du plus profond, couvert de poutres, difficilement transportables. Il fallait tenir la journée. Mais quel sacrifice. Beaucoup sont restés, morts, blessés, non transportés et achevés. Nous étions encerclés, bombardés. Je vous assure que je me croyais foutu. Vers la fin de la journée, avec trois des copains, je décide de partir, de tenter cette dernière chance. Cela réussit, fuite en vélo, affalés [sic], épuisés, nous sommes des rescapés. Le bataillon et ceux qui étaient à côté, disséminés en quelques heures. Quel horrible cauchemar vécu ! Depuis cinq jours, avec quelques copains comme moi, nous marchons sans dormir, sans manger vers l'arrière. Il faudrait mille pages pour raconter ce que j'ai vu dernièrement : bombardements des villes par lesquelles nous sommes passés, milliers de gens, vieillards, enfants, femmes, qui noircissent les routes de l'arrière, crevant de faim, marchant péniblement à pied sous la [ ?] des avions. Triste humanité !

Enfin nous en reparlerons. Je vous embrasse, mon amie.

Roger

PS : Je ne recevrai pas vos lettres puisque le bataillon pour le moment n'existe plus. Mais je vous écrirai.

Il est fait prisonnier le 12 et emmené dans un camp de prisonniers, à Couterne d'abord, puis à Mayenne, d'où il s'évade, fin décembre 1940, pour mener une existence clandestine sous le pseudonyme de Roger Gérôme à Tours. Cette période de captivité n'interrompt en rien son travail d'artiste : il continue de dessiner, écrit, monte même des spectacles burlesques avec les soldats d'abord et avec les prisonniers ensuite.

Roger Aliquot devant un décor réalisé à l'amitié des nations - Camp de prisonniers de Mayenne
Roger Aliquot devant un décor réalisé à l'amitié des peuples du monde -
Camp de prisonniers de Mayenne -1940


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