ALIQUOT, imagination créatrice et puissance

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L'homme

Une force tranquille et une belle santé au service d'une méthodique résolution, tel nous apparaît ALIQUOT, un artiste qui n'a pas encore atteint la cinquantaine et dont l'ardeur et l'enthousiasme des débuts sont demeurés les mêmes. Ses épaules ont la voussure de ceux qui comptent plusieurs maçons ou bûcherons parmi leurs ancêtres, et son regard est celui d'un chercheur d'or de tous les temps. La grande finesse de son profil, contrastant avec un masque solide, explique aux moins doués pour l'étude des visages qu'ALIQUOT renferme une grande sensibilité sous une ferme volonté. Toutes qualités qui se liront d'ailleurs à merveille dans son œuvre. Le peintre ALIQUOT est aussi sculpteur, ce qui nous rassure, car l'ensemble du personnage eût manqué de logique s'il en avait été autrement.

Sa carrière

Né à Paris, il fut formé à Paris. Des milieux universitaires aussi sérieux que les cours d'un Robert LESBOUNIT, ou ceux d'un BONFILS ou encore d'AURIOL et HISSARD ne pouvaient que lui procurer l'occasion d'affirmer son goût pour la rigueur et sa soif d'idéal. Le résultat, hors des spéculations intellectuelles et artistiques des premières années où on découvre la vie, fut de révéler à ALIQUOT ses dispositions à l'action et ses aptitudes au social. Qui l'a connu, animant à Tours, un Cercle Jehan Fouquet fondé par lui et où son dévouement intelligent lui a procuré ses premières satisfactions de réalisateur efficace, comprendra aisément que, par la suite, cette vocation inspira dans son entourage de multiples recours à ses dons exceptionnels. C'est ainsi qu'il fut amené à créer et organiser les Cours Paul Cézanne à Roubaix-Tourcoing, l'Association des Amis de l'Art du Nord, à Lille, qu'il fit des causeries à la Radio et batailla pour ses convictions dans la Presse et au cours des multiples conférences ; en 1950, il fonda l'U.D.A.N., en 1954 le Salon du Pays Minier, et en 1955 son fameux Salon du Nord (se reporter au N° de mai 1961, de  Signatures).

Quant à ses expositions personnelles, elles se firent apprécier à Paris (Galerie Chardin), à Tours, Lille, Douai, Roubaix, Tourcoing, Arras, Le Touquet, Hénin-Liétard (où il s'est fixé), et récemment à Valenciennes avec le succès que l'on sait, puisque, aussi bien, c'est le retentissement de cette dernière exposition qui nous a inspiré le désir de présenter plus longuement ALIQUOT à nos lecteurs.

Son œuvre

Il semble que, dès ses premiers contacts avec la peinture, ALIQUOT opta pour une figuration de synthèse. Ses œuvres les plus anciennes ressortissent à ce besoin d'imposer une idée générale ou une impression d'ensemble d'un thème ou d'un sujet qu'il aura choisis.

Mais, tout d'abord, notons que le DESSIN commande en maître dans les moindres de ses entreprises plastiques. Au reste, il est évident que tout ce qui lui semble être digne d'une étude graphique le tente indifféremment. Tour à tour illustrateur, publiciste, décorateur et peintre, dans toute sa production nous retrouvons toujours le trait incisif et la main sûre qui le caractérisent. Sa peinture, à ce titre, bénéficie d'une facture directe et claire sans équivalent, à notre connaissance. Je découvrirais une toile d'ALIQUOT au premier coup d'œil parmi cent autres.

On a dit de cette peinture qu'elle forçait au recul pour pouvoir la juger dans sa totalité. C'est très vrai, et ce sont là les effets autoritaires de l'esprit de synthèse qui s'impose au spectateur après avoir animé le peintre. Qu'il s'ensuive pour certaines âmes sensibles une impression de brutalité, c'est bien probable, mais ne nous attendons pas à ce que l'auteur se fasse faussement aimable pour autant, ce n'est nullement dans son caractère.

Le pays minier est devenu cher à ALIQUOT, et celui-ci lui rend bien sa ferveur. Celui-ci ne lui a-t-il point donné ses thèmes les plus riches ? Ne lui a-t-il point aussi révélé l'étonnant secret qui lui permet de dévoiler les couleurs cachées au plus épais des brumes du Nord ? Les contrastes bien connus d'ALIQUOT sont ceux d'une vision personnelle qui déborde les usuelles données du réel pour atteindre à davantage d'intensité. Après avoir encaissé le choc, vous subissez l'envoûtement d'une présence singulièrement séduisante. L'homme et le climat se sont rencontrés et compris.

Sa technique

Le style d'ALIQUOT est si totalement dépendant de son tempérament que les grandes données en furent définies très tôt. Est-ce à dire qu'il n'existât jusqu'ici qu'une seule et unique " manière " dans son œuvre ? Certes pas, et ALIQUOT a trop l'âme d'un chercheur pour qu'il en soit ainsi !

Deux grands genres majeurs l'ont de tout temps sollicité, les portraits et les paysages.

Avec les premiers il se montra longtemps respectueux des formes, avec les seconds il prit au contraire très vite de grandes libertés d'interprétation.

Or, assez paradoxalement (du moins en apparence) la manière actuelle du peintre semble plus exigeante avec la nature et moins rigoureuse dans ses études de personnages. Son humanisme s'humanise, si je puis dire ; et l'apparition d'un cloisonnisme nerveux dans ses œuvres les plus récentes nous donne à penser que chez ALIQUOT le dessinateur domine actuellement le peintre.

Ce n'est d'ailleurs point la première fois que cette qualité se fait jour dans sa carrière, et, selon que l'un de ces deux aspects essentiels de sa riche personnalité (où le poète le dispute souvent au bâtisseur), l'emportera sur l'autre, nous assisterons au passage d'une " manière " à l'autre. Fort heureusement une constante originale dans le langage préservera toujours l'Unité, si chère aux collectionneurs ; et ceci nous permet d'augurer, pour finir, que la cote du peintre Roger Aliquot connaîtra une fermeté grandissante, et vaudra de grandes satisfactions aux amateurs lucides qui auront su lui faire confiance. "

Malgré les péripéties de son début de carrière (la guerre 39-40, la clandestinité) et les charges qui lui incomberont en tant que gérant d'un hôtel-restaurant, père de trois enfants et animateur de la vie culturelle régionale, Roger Aliquot poursuit une vraie carrière d'artiste, tout entière vouée à la création d'une œuvre propre.

Ainsi, en première approximation, avons-nous dénombré, outre la participation aux manifestations collectives, 32 expositions particulières avérées, essentiellement à Lille, à Paris, à Lens et Douai ainsi qu'à l'étranger (Herne, RFA).

Parallèlement, il organise des expositions collectives (nous en avons recensé 14) auxquelles il participe lui-même comme artiste en s'associant la collaboration de nombreux collègues de la région et anime ainsi dans le domaine artistique la vie de toute une région. Chemin faisant, il milite pour une décentralisation de l'art et promeut l'idée de partage des expériences.

On a une idée très nette de la variété et l'éclectisme de sa production en parcourant les galeries de quelques œuvres extraites de son atelier et l'on se rend compte dans le Recueil de critiques que son œuvre a été unanimement appréciée de ses contemporains pour la manière essentielle avec laquelle il traite dans sa peinture les sujets qu'il aborde, pour la place fondamentale du dessin dans ses représentations, et la largesse avec laquelle il compose les couleurs et leur matière.

Il serait d'ailleurs intéressant de procéder à une analyse statistique des termes utilisés pour qualifier son art : solide, construit, large, direct, brutal mais attachant, reviennent sans cesse avec des variantes.


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