Être indépendant en tout" Être indépendant en tout " voilà son credo et le seul moyen que Roger Aliquot a trouvé pour cultiver une relative liberté de ton que l'on retrouve jusque dans ses convictions les plus profondes. Catholique, il est croyant et pratiquant à ses heures. Il crée bénévolement une crèche pour l'Église Saint-Martin d'Hénin-Liétard et, chaque année, il l'installe et l'entretient. Pendant longtemps, ce sera sa façon de manifester sa foi. Autre manière : le choix de sujets religieux dans ses peintures et l'interprétation directe qu'il en donne, interprétation parfois discutée :
" […] (Le) visage du "Christ", œuvre très recherchée et que nous estimerions parmi les plus élevées de l'artiste si, à notre sens, l'expression de l'"Homme de douleurs" qui "s'est fait péché pour nous" n'y était poussée jusqu'à un réalisme un peu rebutant […] " (J. BL TAVERNIER - presse locale à propos de l'exposition à la galerie municipale de Tourcoing - mars 1955) Exposition d'Art sacré de juin 1947Autre témoignage de sa foi : il participe à l'exposition d'ART SACRÉ organisée en juin 1947 par l'Évêché de Lille, à l'occasion de l'inauguration des nefs de la cathédrale de Lille, exposition à laquelle participent entre autres : Eugène LEROY, Maurice MAES, Jean VAN HECKE, Emile FLAMANT, Eugène DODEIGNE. Il y expose deux toiles : Extérieur de la cathédrale de Tours pavoisée et Le Démon aux Enfers, qui recueillent l'approbation de l'organisateur Mgr Lotthé.
1955 : nouvel assaut pudibond des autorités religieusesRoger Aliquot eut l'occasion d'essuyer la censure ecclésiastique, empreinte de pudibonderie, à plusieurs reprises. En décembre 1944, Roger Aliquot sollicite le concours de l'abbé Fernand Soenens, critique d'art à La Croix à Lille pour inaugurer son exposition à la Nouvelle Galerie d'Art, Rue Esquermoise. En retour, il reçoit ce courrier :
LA CROIX DU NORD
15, Rue d'Angleterre, 15
LILLE
Lille le 1er décembre 1944
Mon cher Ami,
Je suis bien ennuyé mais je compte sur vous pour me tirer d'embarras ; c'est indispensable.
Je viens de voir au catalogue des " nus ". Dans le passé, j'ai eu des histoires et reçu
des lettres sévères de visiteurs pour avoir rendu compte des expositions où ils se trouvaient
et ici j'inaugure ! Au nom de La Croix ! Je crois que ces n° feraient tort à l'école
que vous voulez organiser et à moi-même. D'ailleurs, ils sont invendables.[sic!]
Pour toutes ces raisons, je vous prie instamment de ne pas les accrocher, au moins
le jour de l'inauguration, et de les barrer sur vos catalogues à la disposition
des visiteurs.
Toutes nos bonnes raisons à opposer n'y peuvent rien.
Nous ne pouvons pas, moi au moins, je ne peux pas, dans la circonstance,
heurter de front la prévention de certain public lillois qui fréquente les expositions.
Avez-vous songé à la publicité ? Vous savez qu'à La Croix, comme pour tous
les journaux, c'est une condition sine qua non de compte-rendu ? Vous pouvez
la donner au bureau de Tourcoing, ce qui vous dispensera du voyage à Lille.
Et tout ceci réglé, je vous redis à samedi.
Veuillez présenter mon respectueux souvenir à Madame Aliquot et
Bien à vous
Abb. F Soenens
En mars 1955, Roger Aliquot adresse un courrier à Mgr Lotthé. Il le prie de bien vouloir prêter son concours à l'inauguration du Salon du Nord qui doit se tenir en octobre et novembre de la même année. Le prélat prudent, soucieux de ménager les bonnes mœurs de ses ouailles et sa propre respectabilité de Berger, décline cette invitation pour la raison suivante : " Il ne s'agit, bien entendu, ni des figuratifs et des abstraits, les deux formes ont leur intérêt, mais uniquement de certains sujets que pourraient traiter des artistes conformément aux usages des expositions de peintures. ". Ce qui n'empêche pas Monseigneur de prier Roger Aliquot d' "excuser [sa] réponse ce qui ne [l'] empêchera pas d'aller voir cette exposition"... Liberté de ton : la foi n'empêche pas l'œil critiqueToutefois, son attachement à sa foi ne l'aveugle pas et, si son œuvre comporte quelques sujets religieux traités avec une réelle émotion intérieure, respect et déférence...
elle se fait volontiers critique ou, à tout le moins, met en question certaine comédie sociale (Les Sœurs, Sortie d'église , etc.) qu'il traite sans parjure avec humour. Voici, par exemple, la lettre qu'il adresse à Irma, sa future femme, à propos d'une scène qu'il a vue à Tours le 30 novembre 1941, scène qui lui inspirera la Procession de moines, œuvre peinte en 1954.
Lettre à Irma MaesLe
1er décembre Très Chérie, Votre Roger |