Roger Aliquot
Extrait du Journal 1943-1944
Dimanche 3 septembre 1944
Aujourd'hui, dans la région, une journée
comme on en voit peu dans la vie. Une sorte de "14 juillet"
extraordinaire. Toutes les fenêtres des rues
pavoisées, des gens ivres de joie, unanimes dans leur
bonheur de se sentir à nouveau libres. On ne voit plus
d'Allemands mais on en croit à tel endroit ou tel autre et
chaque individu porte sur son visage une expression
d'anxiété heureuse. Les gosses dans les rues ne
tiennent plus en place agitant des drapeaux, des cocardes. Chacun
a sa fierté de porter une fleur, un ruban à la
boutonnière, des femmes mêlent coquettement les
trois couleurs dans leurs cheveux. Partout des sourires, des
serrements de mains. On va boire un verre au bistrot pour
"arroser ça". Mais les plus agités sont le F.F.I.,
brassard au bras, l'air décidé et
conquérant, ils se remuent en tous sens, montent la garde,
occupent certains coins de rue. Une auto passe à toute
allure. On en voit sur les marche-pieds debout de chaque
côté de la voiture et derrière, les armes
braquées, prêtes à riposter. Beaucoup sont
des jeunes qui sont tout heureux d'avoir une mitraillette ou une
grenade allemande dans les mains. Malgré ces affolements
inoffensifs les rues regorgent de promeneurs heureux. Un vent de
"ducace" [sic] comme l'on dit dans le nord, souffle dans les
quartiers.
Ce qui fait le plus plaisir à voir c'est cette
union dans le bonheur. Il semble que les "Français
divisés", les différences politiques ou de classe
n'existent plus. Chacun trouve dans son prochain un égal,
heureux si cela pouvait durer. L'union est la plus grande force
d'une nation, mais voilà !… Mais ayons confiance
dans l'avenir et espérons.
La mairie de Mouvaux à la Libération- 1944
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